15 septembre 2006

Le Grand Sud

Après cette fraîche et sportive descente des Hautes Terres, le Babuvati a envie de chaleur et de repos !



Il sait que les environs de Tuléar sont propices au farniente, à la baignade dans les eaux limpides du canal du Mozambique. Il aimerait comme un appel mystique, battre le carré au fin fond du sud sauvage.

Malgré ses peurs aquatiques, Vabu accepte de se rendre à Anakao en pirogue à voile, sur une embarcation de 50 cm de large et 3.5 m de long, un tronc d’arbre évidé, quoi, avec un bout de tissu en guise de voile, bref Vabu est fière d’avoir surpassé ses vieux démons !

Et ce n’est qu’un début ! car pour sa première descente à Anakao le Babuvati a opté pour l’option mixte. Route jusqu’à saint augustin puis pirogue à partir de là : autant dire une broutille comparé à ce qui attend la pauvre Vabu (enfin là on parle pas de Bati mais par la suite y va en baver aussi !). En gros il faut donc deux petites heures de pirogue au Babuvati pour rejoindre Antoine et Elsa qui l’ont devancé à Anakao.




ilôt de nosy ve au large d'anakao





Plage de sable blanc, eau limpide, glandouille et langouste sont les principales occupations du Babuvati là-bas. Vabu ne regrette pas d’y être allé ! Le Vezo mâle est plutôt sacrément bien foutu ! Il faut dire qu’ils passent leur temps sur leur pirogue à pagayer… on vous expliquera le pourquoi de la pagaie plus tard... ( petite parenthèse rien que pour les filles, en géneral le malgache est plutôt beau gosse, les influences indo-africaines donnent un mélange détonnant !!)

Petite pensée philosophique de Bati : « Humhum… enfin de toute façon il faut bien que je m’y résigne, elle va dire ça tout le trajet ! » …

Le jour de son arrivée, alors qu’il marche le long de la plage, le Babuvati tombe sur un cadre insolite : un petit portail surmonté de deux étoiles de mer, sans clôture derrière lequel trône un immense parasol blanc abritant de son ombre une petite table et quatre chaises. Quelques mètres derrières le patron se tient accoudé au bar de sa paillote, le sourire au lèvre et le regard de vieux loup de mer ! Le tout semble sortir de nulle part, c’est un peu comme trouver une salle à manger en plein désert. Bref, vous l’aurez compris, le Babuvati tombe sous le charme et décide immédiatement d’y prendre racine. Chez Claude, puisque c’est ainsi que se prénomme le tenancier des lieux sera donc notre repère pendant les longues journées que nous allons passer à Anakao, en attendant le vent…


Claude, le tenancier




Antoine et Bati lance un chantier de fouille chez claude




La suite des aventures du Babuvati attendra un peu car il est l’heure de faire un peu d’ethnologie !!!!!! on va donc vous parler un peu des Vezo, mais pas d’inquiétude hein, ça va plutôt être soft et ne va pas plus loin que le regard de touriste-vazaha du sciapode que vous connaissez bien maintenant !

Les Vezo (prononcer Vez’) donc… Peuple des mers, les peaux sont noires, les corps sont finement musclés mais vraiment bien musclé…. (HOP HOP HOP, redonne moi le clavier Vabu), les cheveux sont roussis par le soleil et le sel. Les femmes s’enduisent le visage de pâte ocre et jaune pour se protéger du soleil, leur cheveux noires et fins sont tressés, les enfants nus se baignent dans l’océan (au tour de Vabu de se laisser aller au lyrisme, Bati n’a pas réussi à reprendre le contrôle de la situation).

Leur village sont construits sur les dunes bordant la mer, la rue principale étant la plage où reposent leurs pirogues après les journées de pêches. Entre les villages, la route principale est encore la mer… Les Vezo sont donc vraiment un peuple de la mer (je sais on l’a déjà dit) et pour ceux qui n’auraient pas bien lu les anecdotes malgaches leurs ancêtres mythiques sont les sirènes, nombreux sont encore les pêcheurs à les apercevoir lors de leurs navigations nocturnes.

Dès leur plus jeune âge, les garçons se retrouvent donc sur des pirogues ou, pour les tous petits, jouent avec de superbes maquettes reproduisant les embarcations de leurs aînés. La vie s’écoule mora-mora, le matin à la pêche, l’après-midi à la sieste !

Leurs pirogues sont creusées dans des troncs de balza, enduites de goudron (on en a fait les frais !!!) et peintes de couleurs vives. Elles font un peu penser, par la forme de leur proue à de petits drakkars. Pour assurer l’équilibre elles sont munis d’un flotteur, en balza lui aussi. Leur mat est aussi un fin tronc d’arbre et leurs voiles carrées sont plus ou moins rapiécées .Ils pêchent au filet ou à la ligne ou les deux pour attraper le requin « c’est pas le requin qui nous mange, c’est nous qui le mangeons » dixit le frère de Glover le corsaire, notre piroguier. Ce sont de véritables athlètes et ils descendent an apnée à des profondeurs de 30m pour aller chercher la langouste ou la cigale des mers ( excellentes d’ailleurs, ça c’est pour béa !)

Il faut voir comment, avec des moyens techniques rudimentaires (pas de drisse, pas de poulies…), ils arrivent à régler leur voile et à l’adapter à toutes les circonstances… enfin presque, sinon il reste la pagaie. Celle-ci sert quand le vent n’est pas au rendez-vous ou plus souvent quand il faut remonter au vent. L’équipage classique est composé d’un barreur, souvent le plus expérimenté, qui dirige l’embarcation et les manœuvres de réglage de la voile. Celles-ci sont effectués par un véritable équilibriste qui monte et démonte la voile, le tout sur un espace réduit à la pirogue et aux armatures qui soutiennent le flotteur. Son rôle est aussi de se placer de part et d’autre de l’embarcation pour la maintenir stable.

Ce serait l’endroit paradisiaque par excellence si on n’y pense pas, ah quoi, au fait que tu te baigne dans la plus grande chasse d’eau du monde ! En effet, il est fady ( interdit) pour un vezo d’avoir des sanitaires chez soi et même ne serait-ce qu’un lieu d’aisance prévu à cet effet. Donc ils chient sur la plage !!!! Sans complexe, tu t’accroupis et tu c----, les grand et les petits en public, la marée faisant office de chasse d’eau ( à la base le concept n’était pas mal mais ça rebute quand même, sachant que les femmes nettoient leurs marmites dans le sable !) Alors surtout, la nuit, pensez à vos lampes de poche pour rentrer chez vous. D’ailleurs la nuit, l’ambiance est assez bizarroïde , on a l’impression de marcher dans la neige (sable), même sans avoir abuser du zamal ou rhum local bien consommés dans le coin .

Le Babuvati a pu observer tout cela finalement grâce ou à cause de la météo, les vents étaient contraires à notre progression vers le sud sauvage, Beheloka : SCROGNEUGNEU !!!! parce que là, maintenant que tout ça est passé, ça nous fait bien rire, mais je peux vous assurer que quand tous les matins vous vous levez plein d’espoir et que à peine dehors vous vous prenez une grosse bourrasque de vent du sud, c’est bien moins dôle ! (surtout qu’ici, dans l’hémisphère sud, le vent du sud ça caille !)

Mais bon, l’un dans l’autre, ça nous apprend la patience et ça nous a aussi permis de s’imprégner un peu de la vie du coin et partager un moment privilégié avec les zazas de Bema, le piroguier de Tanya et Pierre, qui nous ont improvisé un véritable concert de Hira Gasy ! Ils étaient trop sympas même si au premier abord, ils nous ont un peu saouler de « cadeau vazahas » comme font la plupart des enfants là-bas !



Mais le Babuvati est têtu et suite au retour de Pierre et Tanya, revenus enchantés de Beheloka, il a l’étincelle dans la nuit et décide de descendre coûte que coûte dans le sud !

Alors, bravant tous les dangers, il est fou, ce Babuvati, il va tirer des sous à la banque à Tuléar ! Et ouais, il est comme ça le Babuvati, il a peur de rien !

J’en vois déjà qui ricanent derrière leur barbe. Et bien, pour votre gouverne sachez qu’aller tirer des tunes à Tuléar c’est une aventure ! Non, non pas à cause des brigands et pirates des mers du sud qui pourraient jalonnés notre route, la région est assez sûre, on rassure nos mamans. Le problème, à votre avis, qu’est ce que c’est ? Et oui, le vent, encore lui ! parce que quand on va chercher de l’argent et qu’on habite Anakao on ne prend pas le bus non, ni le métro, et encore moins la voiture… on prend tout simplement la pirogue à voile !

A l’aller c’est rapide, pas de problème, Tuléar et au Nord et le vent vient du sud. 3h30 de pure glisse au grand largue avec une pensée spéciale pour Mattéeo (de la Réunion, désolé mon Mamat, un autre Mathieu est entré dans ma vie).

Petite course et opération bancaire en ville, petite crêpe chez l’ami Pierre, et hop, voilà le Babuvati reparti sur sa pirogue le soir même. Les vents sont meilleurs la nuit, parole de Vezo ! On retrouve notre équipage qui ne capte pas un mot de français et qui a donc toutes les peines du monde à nous faire comprendre qu’on va aller pioncer tranquillement sur la pirogue en attendant que le vent tourne. C’est vrai que pour nous c’était pas évident comme idée !

De la ville, on entend la musique qui a envahi la rue, hira gasy !!!!

Après 2 heures d’attente, vers minuit, tout d’un coup, nous voyons surgir hommes et femmes arrivant de la ville, entendons crier de toute part : le vent a tourné, c’est l’heure du départ. Notre pirogue ne sera pas seule cette nuit sur les flots, ils se déplacent en groupe. Moment magique, voire mystique quand nous quittons le port sous les étoiles et la lune, on se croirait au temps des phéniciens. Nous nous laissons bercés par les vagues. Notre piroguier équilibriste s’endort lui aussi sur le balancier et se vautre dans l’eau , c’est la deuxième fois en 2 heures, ça n’est pas pour nous rassurer. Pourtant, nous avions bien analysé son haleine qui ne sentait rien de suspect !Après 4 heures de navigation au près (tirer des bords pour remonter un vent contraire), le vent s’emballe mais malheureusement contre nous. Les piroguiers sont obligés de descendre la voile, et encore nous faut comprendre par signe qu’il faut faire dodo dans la pirogue agitée en attendant que le vent tourne !! super, le Babuvati n’en mène pas marge et ne sait pas ou il se trouve, dans le lagon ou en pleine mer (je te jure, maman Nanette, je ne recommencerai pas !).

Au lever du jour, le vent semble à nouveau favorable et on s’apprête à repartir. Avec les première lueur nous pouvons à peu près juger de notre avancée : nous avons parcouru un quart à peine du chemin, et ça fait maintenant 6 heures que nous avons quitté le bord…

Au total nous mettrons 10 heures à rejoindre Anakao : la galère !!! (je vous parle pas du moment où, en pleine mer, il a commencé à descendre la voile et à monter une espèce de sac de riz à la place… c’est leur méthode pour réduire la voilure… ouais, ok)

Donc, si on récapitule on aura mis 24 heures pour aller chercher des tunes, alors, ça rigole moins dans les chaumières hein !!!

Le lendemain le périple continue, façon de parler, car nous passons notre journée à attendre un hypothétique collecteur de langouste au bord de la route (on a définitivement abandonné l’idée de descendre en pirogue, les vents nous étant décidément hostiles). Là encore nous rentrons dans la réalité malgache. Nous ne sommes pas les seuls à patienter et excepté nous-même personne ne trouve incongru de rester planté au bord d’une route une journée entière pour atteindre une bourgade situé à une trentaine de kilomètres.

Après des négociations ratées avec un chauffeur de 4x4 qui prend finalement toute un famille dans sa voiture (12 !) pour les emmener à un mariage, nous reprenons notre attente…. Jusqu’à son retour. Là forcément les négociations tournent à son avantage et n’ayant plus la patience d’attendre, nous cédons (ça fait maintenant 8 heures que nous attendons au bord de la route… enfin la piste). Et ce qui devait arriver arriva, à peine avions nous paye le 4x4 que le camion brousse arrive cahin-caha dans la poussière ! les nerfs !!!!!

Finalement nous embarquons dans le 4x4 un peu énervés, mais heureux, car un peu grâce à nous, un homme pourra se marier ! Et nous n’en dirons pas plus à ce propos, ça restera le mystère du marié, de la chèvre et du 4x4 !

A Beheloka, la piscine-lagon délasse nos nerfs tendus et on se plonge avec délectation dans son eau limpide.






Nous sommes invités au mariage de Johnny, en fait de mariage, c’était plutôt des fiançailles, ou Johnny était habillé comme pour aller en boite, ou c’est l’occasion de danser et boire un petit rhum à 11h du mat !!!! Pour l’occasion le Babuvati s’est transformé en photographe de mariage ! moment sympa mais surprenant (un marié en sweat noir à flamme assis devant son verre de fanta, c’est vrai que c’est pas comme ça qu’on s’imaginait un mariage Vezo).






On profite de notre passage à Beheloka pour visiter le parc national de Tsiemananpetsoa (« là où il n’y a plus de dauphin »)… visite qui durera en elle-même 2 heures mais qui nous demandera 9h30 de trajet (en pirogue, à pied et en charrette à zébu… on l’avait pas fait celle là encore) : Ah les plaisirs du sud malgache !


les flamands roses du lac salé de tsiemanampetsoa


Le baobab grand-mère dans le même parc



Le lendemain, départ surprise pour Itampolo à 6h du mat, à la tombée du lit. Vabu avait bien entendu le klaxon du camion brousse au loin et prévenu par nos hôtes que celui-ci est effectivement de passage, elle se tappe le sprint et court demander au chauffeur de nous attendre quelques minutes (c’est pas tous les jours qu’un camion passe par ici). Les bagages pliés on saute dans la cabine du camion qui a préalablement été vidé pour nous (sans qu’on n’est rien demandé) et après 6 heures de piste où l’on croise de nombreux tombeaux Mafahaly (une des ethnies qui vivent dans les terres du sud, et connu pour ses immenses tombeaux surmontés des cornes de Zébus sacrifiés pour les funérailles) et des villages où la pauvreté semble régner sans partage, on arrive à Itampolo : ce sera le lieu le plus au sud que nous atteindrons à Madagascar !

tombeau mahafaly



La suite de ce voyage vers Fort-Dauphin a l’air vraiment superbe et riche en émotions, mais les contingences de notre emploie du temps nous ne le permettent pas).

Itampolo, c’est sauvage, la piste qui y mène en sable traverse des paysages de brousse occupés par des épineux de toutes sortes, euphorbes, arbre-pieuvre, cactus, aloès et baobab !!

Le camion-brousse passe 1 fois la semaine et fait office de poste et de marchands ambulants pour les villages reculés. C’est l’attraction du jour, les villageois sont curieux !! Leurs uniques richesses sont leurs zébus et leur puit d’eau. Ils vivent dans la poussière du bush. Au village d’Itampolo, on trouve de tout pour boire ou manger, et même de l’eau douce (ça fait une semaine que l’on boit des cafés salés et que l’on se lave à l’eau saumâtre, Anakao et Beheloka n’ont pas la chance d’avoir de l’eau douce à proximité.) C’est hallucinant de trouver de l’eau douce à un endroit pareil, en fait sous ce bush qui peut paraître un vrai désert serpente un réseau de nappe phréatique (ça reste tout de même très sec et l’alimentation des villageois se résume à un peu de manioc et du maïs… d’où il sort celui-là, on ne le saura jamais !)









Après 2 jours, tranquilles à Itampolo à se balader, on reprend le camion brousse pour Tuléar.

Départ 20h, arrivés 16h le lendemain, 300 km parcourus, genoux et dos coincés entre deux barres de métal, notre voisin nous ayant intercepté notre dossier de siège ! (nous l’avons récupéré au petit matin quand nous nous en sommes rendus compte).Camion bondé de sacs de poisson séchés, poules vivantes, et une multitudes de bagages. On ajoutera juste qu’un tel trajet prend véritablement la tournure d’une expédition (même si elle est régulière) pour le chauffeur et son équipe qui est composée de trois mécanos, le camion ayant régulièrement besoin d’être réparé sur place, ils sont trop forts les malgaches !

De retour à Tuléar, le Babuvati s’est remis en selle, en se gavant de plats italiens, grecs avec le fin gourmet Pierre, Valérie (qui travaille pour une asso réunionaise gérant un dispensaire à Tuléar, dispensaire qu’elle nous a gentiment fait visiter), Alexia et Yann. C’était cool de se poser quelques jours en leur compagnie.




Bises à tout le monde et Veloma comme on dit ici !

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