14 mars 2007

Les Ethiopiques - 2 Au Coeur de la vallee de l'Omo

Au milieu de la vallee de nul part, vallee dessechee par le soleil, un autre type de rencontre nous attend, oui on peut dire cela, une rencontre du 3eme type. Autant pour nous que pour eux, nous sommes de bien curieux personnages, tous palichons et habilles de vetements pas toujours propres et viellots. Eux, tout aussi curieux, ce sont les hommes, les femmes et les enfants de la tribu des Tsemai, Bana et Hammer.

Ce sont differentes "tribes", tres proches geographiquement et aussi culturellement, du moins au premier abord. Cependant comme notre propos n'est pas de donner un cours d'ethnologie, ce dont nous serions d'ailleurs incapables, nous ne detaillerons que peu leurs moeurs et coutumes.

Insere dans un grand ensemble, differents peuples pour la plupart de tradition nomade vivent le long de la vallee du Rift. De la Tanzanie a l'Ethiopie, Massai, Turkana, Rendilles, Samburu sont les plus connus. L'Ethiopie est aussi leur territoire, Mursi, Ari, Karo, Hammer, Tsemai, Arbore, Bana, Surma....

Pour des raisons techniques et materielles, nous sommes restes sur le versant est de l'Omo. Ce fleuve (qu'il est a l'heure actuel impossible de traverser) peut se contourner par le nord, pour envisager la decouverte des peuples de l'ouest. C'est alors une veritable expedition, non depourvue de danger d'ailleur, les Surmas et autres n'etant pas toujours des plus pacifiques.

Du fait de l'irregularite des transports, de la negociation des prix "farenjis", de la lenteur du camion, nous n'avons pu rencontrer que trois peuples.

Voici nos humbles observations

Journal de Vabu :

Apres la traversee des chaines montagneuses du pays Konso, une longue vallee desertique s'etend, bordee de l'autre versant par les Busca Mountains ( nous l'apprendrons plus tard, c'est la que vit le chef des Hammer). Au milieu de cette vallee, un village improbable, Weyto. La, vit le peuple des Tsemai, proche des Hammer. La chaleur nous ecrase, sous la canisse de l'unique hotel-restaurant, nous nous reposons.

Le soir profitant d'une fraicheur toute relative, nous visitons une famille Tsemai. Le papa fabrique la cage a poule, la maman qui porte sa tenue traditionnelle, a un tres beau visage et des dents si blanches. Sur une peau de chevre, un petit garcon tout nu avec une ficelle et des perles autour des hanches joue avec sa petite soeur, bebe tout rond avec deja des bracelets autour des poignets pour seuls vetements.



Ils vivent dans une hutte de chaume de 2 metres de hauteur, la porte est minuscule. Nous sommes invites a rentrer dedans, je manque de me coincer dans la porte. On s'asseoit sur la peau de chevre, quelques sacs remplis de mais seche, des calebasses, tout a meme le sol. L'homme s'asseoit sur un petit tabouret, les autres s'accroupissent. C'est si exigu ! 2-3 metres de diametre, sombre, il n'y a qu'une petite porte, et enfume, car ils font leur feu pour cuisiner a l'interieur et faire secher le mais qui pend. Tout cela fait que l'on se sent un peu clostrophobe. Toute la case est impregnee d'une odeur de beurre rance.
Eux, ils ont des pires sourires. La femme est coiffee de petites dread, enduites de terre ocre et coupees au bol. Elle porte des peaux de chevre tanees decorees de perles et de coris, 3 peaux, une pour le "t-shirt", une pour cacher devant et l'autre pour cacher derriere. Des bracelets d'alu et d'acier ornent ses poignets et ses chevilles. Les hommes eux, ont les cheveux tresses sur l'arriere et rases a la base de la nuque. Ils portent des colliers de perles au cou, sur le front. Tres fins de visages, ils sont silencieux, observateurs. Ils portent un mini-pagne avec une cartouchiere en guise de ceinture, et des t-shirts synthetiques.

Bati les interroge sur deux-trois petits trucs culturels. Ainsi, on apprend qu'ils n'ont ete convertis au christianisme que 7 ans auparavant. Depuis que l'Eglise c'est construite juste a cote, quoi. Ils ne semblent en fait pas preter une grande attention a ce genre de chose. Auparavant, ils ne s'etaient jamais interroges sur ce qu'il se passait apres la mort, et encore maintenant, malgre leur "convertion", ils pensent qu'une fois mort, tout est termine. La seule manifestation celebrant les funerailles est une reunion d'hommes tirant des rafales de kalachnikof en l'air.

Le lendemain, un gamin nous observe, nous attendons le depart de l'Isuzu. Il veut nous faire gouter son lunch. Un mix de mais-millet fermente, qui ressemble a du sable noir humide, qu'il melange avec la premiere brindille de bois qu'il trouve. Je goute , ca envoie le ferment et le gout acre. Mais c'est leur nourriture de tous les jours, matin, et soir.

Autres peuples rencontres, les Bana et les Hammer. A premiere vue ils semblent similaires dans leurs coutumes et leurs apparences aux Tsemai. Cependant, surtout chez les femmes, les parures ne sont pas tout a fait les memes et les Tsemais sont un peuple couchitique, les deux autres omotiques (ca parle a tout le monde, n'est ce pas, c'est juste pour dire qu'ils ne sont pas pareil, apres les curieux pourront creuser un peu plus, ce qui promet de longues heures de navigation, ou, pour ceux qui y vont encore, une bonne apres-midi a la bibliotheque).


Parures et Callebasses Bana

Les Bana et les hammer, quant a eux, sont veritablement des peuples cousins, ce qui va jusqu'a la pratique de mariage entre les deux peuples. Ici, c'est veritablement un signe de grande parente car, malgre la proximite geographique de toutes ces populations, rares, tres rares memes, sont celles qui autorisent des mariages a l'exterieur de l'ethnie.

Le marche de Dimeka :


Procession vers le marche, les Hammer arrivent tous a pied apres parfois plusieurs heures de marche, silencieux, la calebasse a la main, chevres a la laisse, sac a dos en peau de chevre avec tout un bric a brac de pots en terre, sacs de millet, ecorces de cafe et autres productions a vendre. C'est fascinant de s'imaginer le chemin parcouru depuis le matin et le pays Hammer encore innacessible a la plupart des etrangers, si ce n'est ceux qui prendraient eux-aussi le temps de le parcourir a pied. Le silence les entoure et ils se mefient un peu des farenjis que nous sommes. Ils arrivent, disent bonjour a leurs connaissances, plaisantes, s'echangent les nouvelles, comme sur un marche n'importe ou dans le monde. Ils s'instalent le long de la route principale ou sur la place. Les femmes enduitent de terre des cheveux aux epaules.



Dans de petits pots, 30 cl de beurre, 50 birrs de miel naturel, tout juste sorti de la ruche. De l'argile rouge pour s'enduire le corps, tabac a chiquer ou a snifer. Production local que l'on vend pour s'acheter les cartouchiere, perles, que l'on ne produit pas. Les touristes ne sont pas en reste et on peut y acheter calebasses, bracelets.....



Porte-Folio : Sur le Marche


Tous se sont mis sur leur 31, cet apres-midi, un jeune homme va s'initier au bull-jumping, un rite d'initiation local dont le vrai nom est l'Oukouli et qui va le propulser dans le monde adulte et ainsi pouvoir se marier.

Ce rite de passage consiste pour le futur marie a franchir en courant sur leur dos, une quinzaine de vaches, toutes alignees. Mais le plus impressionnant est toute la preparation du jeune homme, la flagellation de ses parentes feminines, soeurs ou cousines. En effet, celles ci pour montrer leur courage, subissent des coups de branchage, qu'elles reclament eperdument en provoquant les amis du mari qui se chargent de cette ingrate tradition.



Pour le coup, notre jeune homme a marie n'etant plus tout jeune, ses soeurs non plus et les batteurs hesitaient a les frapper. Cependant elles avaient de grosses blessures sur le dos. Grelots aux pieds et corne de brume a disposition, elles ont chante, crie pour se faire battre. Les jeunes hommes fouetards sont tous des maries en devenir, mais qui ont deja passer leur Oukouli.



Tout cela se fait dans la joie et la bonne humeur, les hommes se retrouvent, discutent, plaisantent et les touristes sont toute a leur joie de mitrailler de photos. C'est un peu l'ambiance d'un mariage chez nous, la famille, les voisins sont la. Malheureusement notre +/- jeune homme n'a pas trop d'argent et n'est pas tres populaire dans le village. Donc d'une part, il a peu d'invite et d'autre part il a du attendre longtemps pour pouvoir acquerir assez d'argent pour se marrier. Car la benediction de l'Oukouli demande que le marie est reuni la dote pour la famille de sa future femme (qu'il ne connait pas encore). De plus cette ceremonie goute tres cher en elle-meme, la journee se terminant par deux jours de festivites ou plusieurs tetes de betail seront sacrifiees.

Le jeune marie... il n'est pas a son avantage c'est vrai !

Porte-Folio :

Parures Hammer :


Les societes de la vallee de l'Omo, a l'image de cette ceremonie ou les femmes sont tout de meme battues jusqu'au sang, restent impregnes de violence. Les hommes, pour la plupart, portent des kalachnikov, et les conflits inter-tribaux ne sont pas rares. Pour de nombreuses ethnies, voler du betail est un passage oblige pour devenir adulte, et ce genre de probleme se regle souvent a l'arme a feu. Si dans nos societe, le meurtre est un crime odieux, dans les leurs, ce fut pendant longtemps un acte de bravoure et de virilite. Tuer un homme entrainait pour le meurtrier le respect de ses pairs. Encore aujourd'hui, le fait d'avoir tuer un ennemi est signifie par differentes parures, et par des scarifications faites sur les epaules et les omoplates des femmes du hero !

Les attributs typiques de la vallee de l'Omo : Bijous, Kalachnikov et repose-tete

Le jour ou nous quittons Dimeka, un jeunes Hammer monte dans notre camion, dans la benne, comme nous, accompagne de sa premiere femme et de deux amis ou membre de sa famille. Il semble tres mal en point. A chaque sursaut de la piste, souvent donc, il grimace de douleur. il a un pansement au niveau de l'abdomen. Nous apprenons rapidement qu'il a ete blesse d'un coup de lance au cours d'une dispute avec un dassanetch, une tribu vivant plus au sud (cf carte dans Les Ethiopiques - 1 en route pour la vallee de l'Omo). Il se rend a Jinka pour y recevoir des soins. Les personnes dans la cabine (place bien plus confortable) n'ont pas voulu lui laisser la place.
Cela fait a peine 10 minutes que nous avons quitte Dimeka, qu'une moto appareit au loin et semble nous avoir pris en chasse. Son passager porte une kalachnikov. Je m'imagine deja un reglement de compte et que le passager vient finir le travail du Dassanetch. On est pas fier ...
Soudain le camion s'arrette, la moto nous rejoint et le gars brandi son arme, il saute de la moto et se precipite vers le chauffeur. Je me dis alors que finalement c'est peut etre un membre de la famille du blesse et qui vient exiger, arme au point, qu'on lui laisse la place a l'avant... En tout cas il menace le chauffeur de son arme et pour autres farenji, c'est pas la joie... les ethiopiens eux n'ont pas l'air specialement inquiet. Finalement le camion fait demi-tour et repart vers Dimeka escorte par la moto.
Nous apprendrons ensuite qu'il s'aggissait en fait de la police, mais sans uniforme ni rien. Le chauffeur n'avait pas obtempaire a un signe a la sortie de Dimeka (mais encore une fois, le flic etait en jogging et T-shirt orange donc bon...)

Porte-folio : peintures




Autre annecdote, plus amusante celle-ci. Deux jours auparavant, en nous rendant a Dimeka cette fois-ci, le camion croise un jeunes guerrier hammer et deux gamins, tous bien bien traditionels ! Je les salue, mais cela ne semble pas vraiment plaire au plus age, a moins que cela soit pour rire. Toujours est-il qu'il brandit sa lance et fait signe de me menacer. Apres que le camion se soit un peu eloigne, il se met a courir derriere, arme son bras pour jeter sa lance, et effectivement la lance, a mon avis en sachant tres bien que le camion est trop loin, mais juste pour faire le cacou quoi !
Malheureusement pour lui, ce couillon se prend les pieds dans une racine ou je sais pas quoi en lancant sa lance et s'ecroule de tout son long au milieu de la piste, la face dans la poussiere ! Dur dur. Tout le camion explose de rire et les deux petits gamins avec lui le charrient en s'en donnant a coeur joie ! Moi-meme je me sent un peu desole car dans un societe ou la fierte et le paraitre sont si importants, je me dis que cet episode le poursuivra peut-etre longtemps. Mais bon, en meme je dois avouer que ca m'a bien fait marrer !

Porte-folio : personnages




Et maintenant, en exclusivite pour vous : le guerrier tenebreux de Vabu !



Porte-folio : scenes







Petit Alma

petit garcon de Dimeka avec qui nous avons passe nos deux jours la-bas, courant vers nous et sautant dans nos bras des qu'il nous appercevait.